Depuis plusieurs décennies, l’ONG VOLDEB met en place des projets de développement communautaire et n’a pas tardé à se rendre compte que l’approche collective (approche-groupement) est une démarche qui prospère très rarement et ne génère guère des résultats éloquents et durables au niveau des cibles…
Bien sûr, ici, nous sommes en République du Bénin ! La situation vécue ici en matière de l’approche-groupement au sein des communautés à la base reste criante ; il faut le dire et ne point se voiler la face : il n’est pas aisé à des Béninois de rester ensemble, de réfléchir ensemble, de mettre les moyens ensemble et d’agir ensemble en vue d’induire des changements qui impactent positivement les vies. Les initiatives de l’ONG VOLDEB ne sont pas les seules à enregistrer de pareils constats.
Depuis la Conférence Nationale des Forces Vives de la Nation béninoise tenue en février 1990 et qui a consacré la naissance du renouveau démocratique, le gouvernement béninois, les organisations non gouvernementales béninoises et étrangères ont conçu et mis en œuvre une kyrielle de projets et programmes au profit des couches les plus vulnérables mais il est malheureux de constater que la plupart de ces interventions, à l’arrivée, n’ont pas été durables.
Dans la majeure partie des cas, juste à la fin de ces projets et programmes, vous retournez sur les lieux et vous constatez qu’il n’y a pratiquement plus rien ! C’est un malheureux constat mais il faut être honnête et le reconnaître. En dehors des infrastructures scolaires et sanitaires qui restent fonctionnelles (parce qu’elles sont réalisées pour être prises en main par les structures étatiques immédiatement), celles socioéconomiques (ateliers collectifs de travail, puits, forages, magasins…) restent à l’abandon. Et ce n’est pas fini ! Les structures communautaires qui ont servi de canaux pour la mise en œuvre de ces actions que sont les comités de développement, les groupements, les coopératives partent en éclats, juste au lendemain des actions mises en œuvre à coups de fortes sommes d’argent !
C’est une triste réalité : les Béninois, dans la majeure partie des cas, font simplement semblant de rester ensemble à travers groupements et autres associations quand viennent les projets ! Et après, chacun se range de son côté. La raison fondamentale peut être d’une part liée à la sociologie et d’autre part au fait que les groupements qu’on recense par-ci par-là quand apparaissent les projets et les ONG (qui les exigent d’ailleurs) n’avaient jamais existé auparavant et ont dû être montés juste pour la circonstance. Entre parenthèses, c’est le cas de nombreuses ONG aussi, soit dit en passant !!!
En réalité, que vaut l’approche-groupement dans le contexte béninois ? Cette fameuse approche a juste l’avantage de faciliter le travail aux organisations intervenantes. Beaucoup de personnes se retrouvent dans ces creusets associatifs et entreprennent une activité ensemble (transformation de produits agricoles, production végétale, élevage, maraîchage, petit commerce…) sous la houlette de l’ONG ou du programme mis en route. La structure intervenante n’a donc pas à s’essouffler pour encadrer et suivre. Son action touche directement la masse qui a un lieu de rencontre pour son travail mais cette masse n’en est jamais positivement impactée. Ensemble pour l’inefficacité et la perpétuation de la précarité, c’est cela l’approche-groupement !
L’union, on le sait, fait la force ; cela n’a jamais été démenti ! Mais, il faut savoir qu’on peut être ensemble sans jamais être uni. D’ailleurs, la langue française ne se trompe pas sur ces vocables-là. Lorsque les groupements et coopératives se mettent en place pour une activité donnée, en tout cas dans le contexte béninois dont nous causons, cette activité collective reste la chose la plus insignifiante, la plus banalisée, la plus négligée et la moins productive possible. En tout cas personne n’est en mesure de prouver qu’une activité génératrice de revenus menée collectivement par un groupement ou une coopérative a pu sortir chaque individu du groupe du carcan du manque et du cercle vicieux de la précarité. Ne dit-on pas que la chèvre du groupe (donc appartenant à tout le monde), bien souvent, s’endort affamée ? Pendant que les membres de ces groupements s’échinent vaille que vaille pour des résultats minables, les autres personnes qui refusent de s’associer à un groupement et qui travaillent individuellement fournissent des efforts de production dont le rendement dépasse largement, très largement celui du groupement. Un groupement villageois autour d’une activité génératrice de revenu maintient plutôt dans la misère. Ceci n’est pas une théorie d’école mais une réalité sociale, une réalité béninoise !
Exemple du champ d’un groupement de plus de trente (30) femmes au Bénin dans la Commune d’Akpro-Missérété mais qui n’a été suivi et entretenu que par ces deux femmes en lieux et places de tous les autres membres…
Au regard des résultats très peu reluisants enregistrés au niveau de l’approche-groupement en milieu communautaire, l’ONG VOLDEB depuis plus d’une quinzaine d’années vise l’individu et rien que l’individu lorsqu’il s’agit des activités génératrices de revenus. Nous allons au sein des communautés pour aider les gens à sortir de la pauvreté et nous savons que la pauvreté est avant tout individuelle. C’est la pauvreté au niveau de chaque individu qui génère la pauvreté collective.
Ainsi, il faut régler le problème, au cas par cas, au niveau de chaque individu. L’ONG VOLDEB ne soutient pas et ne soutiendra jamais une activité devant générer des revenus pour améliorer la vie des gens en favorisant un travail de groupe car cela ne marche pas ici, au Bénin. A chacun ses écueils et à chaque cas une solution spécifique. Et quand on le fait, cela décuple les énergies, les mains se desserrent et deviennent plus agiles… L’individu se livre à une course contre la montre car il sait que l’appui pouvant l’aidant à s’en sortir est arrivé ; il en profite à fond. Ceux qui comprennent la vision de l’intervention se mettent rapidement à la tâche tout en sachant que ce qu’ils produisent constitue directement la richesse à chaque individu et non pour un groupe morbide et inopérant.
L’application de l’approche-individu est éreintante pour l’ONG car il faut travailler au niveau des individus mais, comme tout ce qui demande beaucoup d’effort et d’énergie, elle génère beaucoup de satisfaction et de bonheur !
Nous avons dit « individu », nous avons dit « communauté » ! L’approche-individu, au finish, sort toute la communauté de la précarité…
Beaucoup pensent à tort qu’avec les groupements ou les coopératives, les frontières de la pauvreté reculent. Or c’est avec l’approche-individu que la communauté prospère. Lorsque des individus se mettent chacun au travail, la production communautaire s’accroît dans tous les domaines et les commerçants et acheteurs prennent ces communautés d’assaut en sachant qu’ils peuvent y aller faire des affaires car les produits existent en grandes quantités. Et c’est à partir de cet instant que les acteurs locaux se rendent compte de la nécessité de se mettre ensemble, de s’unir, non seulement pour s’organiser et avoir accès à des intrants mais aussi pour définir des stratégies communes d’écoulement des produits ; et ça marche. Alors, lorsque des idées d’association naissent sur cette base (non pas pour produire ensemble), elles sont plus fécondes et plus enrichissantes !
VOLDEB n’est donc pas contre des idées d’association ou de groupement mais, pour nous, la démarche et la philosophie qui doivent s’y rattacher importent beaucoup ! Les groupements, les regroupements, les comités de développement, les coopératives qui se créent dans l’espace du temps d’un projet (de deux, trois, quatre, cinq ans) sont généralement des structures d’opportunité qui viennent rapidement capter les avantages des interventions sans aucun impact visible sur la vie des individus et qui disparaissent peu après. Dans un tel sciage, beaucoup de bailleurs se font berner sans le savoir… S’ils pouvaient savoir que ces interventions ont très peu impacté des vies, il y a longtemps qu’ils auraient cherché à faire les choses autrement ! Les structures viables, vivables et durables demandent beaucoup de temps à se mettre en place et dans le contexte béninois, caractérisé par ‘’l’égocentrisme’’, il faut beaucoup d’énergie et beaucoup de patience pour y arriver.